JORF n°0245 du 20 octobre 2019

Décision du 15 juillet 2019

La directrice générale de l'Agence de la biomédecine,

Vu la loi n° 2013-715 du 6 août 2013 tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires ;

Vu le code de la santé publique, et notamment les articles L. 2151-5, R. 2141-17 à R. 2141-23, et R. 2151-1 à R. 2151-12 ;

Vu la décision du 8 septembre 2015 modifiant la décision 2013-11 du 17 septembre 2013 fixant le modèle de dossier de demande des autorisations mentionnées à l'article R. 2151-6 du code de la santé publique ;

Vu la demande présentée le 30 mars 2019 par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (UMR 1064, centre hospitalier universitaire de Nantes) aux fins d'obtenir une autorisation de protocole de recherche sur l'embryon ;

Vu les informations complémentaires apportées par le demandeur ;

Vu le rapport de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine en date du 4 juin 2019 ;

Vu les rapports d'expertise en date du 10 et 11 juin 2019 ;

Vu l'avis émis par le conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine le 4 juillet 2019 ;

Considérant que les titres, diplômes, expérience et travaux scientifiques fournis à l'appui de la demande permettent de s'assurer des compétences du responsable de la recherche et des membres de l'équipe en la matière ; que l'équipe de recherche est dirigée par le Professeur Thomas Fréour, qui possède plus de 10 années d'expérience dans le domaine de l'assistance médicale à la procréation au sein du centre hospitalier universitaire de Nantes et qui a une expertise reconnue dans le domaine du développement embryonnaire ; que les aspects épigénétiques seront supervisés par le Professeur Jérôme Jullien qui a acquis des compétences à l'étranger dans le laboratoire d'un titulaire de prix Nobel dédié à la biologie de la reproduction ; que le programme prévoit la participation de 5,5 ETP, dont 1 interne et 1 bioinformaticien et que le financement du projet, estimé à 270 k€, est annoncé comme acquis ;

Considérant que jusqu'à récemment, il semblait acquis que le développement du zygote, juste après fécondation, était assuré grâce aux protéines et ARN apportés par l'ovocyte, et que l'activité transcriptionnelle était assurée par des facteurs maternels, le spermatozoïde ne contribuant que par la livraison du matériel génétique ; que ces dernières années, l'évolution des connaissances a cependant montré que le génome paternel participait également à la régulation du génome embryonnaire, notamment par le biais de marques épigénétiques ;

Considérant que le protocole de recherche a pour objectif d'établir une corrélation entre les marques épigénétiques mises en évidence au sein du génome de spermatozoïdes, et l'expression des gènes correspondant chez l'embryon ; que cette corrélation permettrait de comprendre certaines infertilités d'origine masculine qui pourraient être dues à un défaut du programme épigénétique du spermatozoïde pour ces gènes spécifiquement exprimés chez l'embryon ;

Considérant que le projet de recherche repose sur les résultats d'une première étude ayant permis d'identifier une fraction du génome épigénétiquement homogène dans une population de spermatozoïdes chez l'homme ; que l'objectif est à présent d'étudier l'impact de la configuration épigénétique du spermatozoïde sur l'expression des gènes au cours du développement précoce de l'embryon ; que pour ce faire, les échantillons de spermatozoïdes de patients consultés dans le cadre du diagnostic préimplantatoire seront comparés aux embryons conçus à partir de ces spermatozoïdes mais qui ne seront pas transférés car porteurs d'une mutation ; que l'analyse transcriptomique des embryons sera réalisée au stade morula et au stade blastocyste ;

Considérant que les données acquises sur les marques épigénétiques observées chez ces patients fertiles seront ensuite comparées aux données issues de patients infertiles ; que par ailleurs, des embryons au stade 2 cellules seront cultivés en présence de molécules inhibitrices de certaines marques épigénétiques afin d'évaluer l'influence de ces molécules sur le développement embryonnaire jusqu'au stade blastocyste ;

Considérant que les embryons utilisés dans le cadre du projet de recherche ont été conçus dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation et sont dépourvus de projet parental ; qu'à partir des résultats d'expérimentations antérieures, l'équipe envisage d'utiliser 70 embryons par an au maximum (embryons congelés ou embryons porteurs d'une anomalie détectée lors d'un diagnostic préimplantatoire), fournis par le service de médecine du développement et de biologie de la reproduction du centre hospitalier universitaire de Nantes (hôpital Femme Mère Enfant) ; que l'équipe fournit à l'appui de sa demande des éléments attestant du respect des dispositions législatives applicables en la matière ;

Considérant que la finalité médicale du projet et l'objectif thérapeutique sont évidents ; que cette recherche devrait apporter des connaissances fondamentales sur les tous premiers stades du développement embryonnaire et sur l'influence du génome du spermatozoïde, et pourrait permettre d'identifier certaines causes d'infertilité masculine ;

Considérant que le demandeur apporte les éléments suffisants concernant la pertinence scientifique du projet de recherche d'une part, et ses conditions de mise en œuvre au regard des principes éthiques d'autre part ; qu'il justifie en particulier que le projet sera mené dans le respect des principes éthiques relatifs à la recherche sur l'embryon et que ces embryons ont été obtenus conformément aux conditions législatives et réglementaires ; que le consentement des couples sera recueilli conformément aux dispositions des articles L. 2141-1 et suivants et L. 2151-1 et suivants du code de la santé publique et selon les modèles-type de consentement rédigés par l'Agence de la biomédecine et sans qu'aucun paiement, quelle qu'en soit la forme, ne leur ait été alloué ;

Considérant que le résultat escompté ne peut être obtenu par d'autres moyens, notamment par le recours exclusif à des embryons humains ; que les modèles animaux, petits ou gros mammifères, et en particulier les modèles murins, comportent des divergences quant aux mécanismes mis en œuvre et qu'ils ne représentent pas une alternative pour ce type de recherche, compte tenu des questions scientifiques posées, dans la mesure où le projet envisage d'étudier l'analyse des effets de marques épigénétiques sur l'ADN et dans la chromatine des spermatozoïdes au cours de leur maturation sur l'expression des gènes dans l'embryon ;

Considérant que les locaux, matériels, équipements, procédés et techniques sont adaptés à l'activité de recherche envisagée ; que cette recherche sera effectuée dans des conditions permettant de garantir la sécurité des personnes exerçant une activité professionnelle sur le site, le respect des dispositions applicables en matière de protection de l'environnement, le respect des règles de sécurité sanitaire ainsi que la sécurité, la qualité et la traçabilité des embryons ; que les conditions matérielles de sécurité, de conservation, d'accès, de transferts, de locaux dédiés, de sécurisation desdits locaux, de désinfection, la qualité de l'ensemble des plateaux techniques sont parfaitement décrits et n'ont fait l'objet d'aucune réserve de la part de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine ; que le laboratoire dispose des équipements nécessaires à la mise en œuvre de ce protocole de recherche dans des conditions optimales,

Décide :

Article 1

L'Institut national de la santé et de la recherche médicale (UMR 1064, centre hospitalier universitaire de Nantes) est autorisé à mettre en œuvre, dans les conditions décrites dans le dossier de demande d'autorisation, le protocole de recherche sur l'embryon humain ayant pour finalité l'étude de la programmation épigénétique du spermatozoïde pour la régulation de la transcription dans l'embryon. Ces recherches sont placées sous la responsabilité de Monsieur Thomas Fréour.

Article 2

La présente autorisation est accordée pour une durée de cinq ans. Elle peut être suspendue à tout moment pour une durée maximale de trois mois, en cas de violation des dispositions législatives ou réglementaires, par le directeur général de l'Agence de la biomédecine. L'autorisation peut également être retirée, selon les modalités prévues par les dispositions du code de la santé publique susvisées.

Article 3

Toute modification des éléments figurant dans le dossier de demande d'autorisation doit être portée à la connaissance du directeur général de l'Agence de la biomédecine.

Article 4

Le directeur général adjoint chargé des ressources de l'Agence de la biomédecine est chargé de l'exécution de la présente décision, qui sera publiée au Journal officiel de la République française.

A. Courreges