La directrice générale de l'Agence de la biomédecine,
Vu la loi n° 2013-715 du 6 août 2013 tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires ;
Vu le code de la santé publique, et notamment les articles L. 2151-5 et R. 2151-1 à R. 2151-12 ;
Vu la décision du 17 septembre 2013 fixant le modèle de dossier de demande des autorisations mentionné à l'article R. 2151-6 du code de la santé publique ;
Vu l'arrêté des ministres chargés de la santé et de la recherche du 8 juillet 2005 et la décision de la directrice générale de l'Agence de la biomédecine du 23 avril 2010 autorisant l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (unité U1183) à mettre en œuvre un protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ;
Vu la demande présentée le 31 janvier 2015 par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (unité U1183) aux fins d'obtenir le renouvellement de son autorisation de protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ;
Vu le rapport de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine en date du 23 avril 2015 ;
Vu les rapports d'expertise en date du 15 avril et 24 mai 2015 ;
Vu l'avis émis par le conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine le 17 septembre 2015 ;
Considérant que le projet concerne le développement de stratégies thérapeutiques des maladies neurodégénératives, et plus particulièrement des encéphalopathies spongiformes transmissibles ou maladies à prions (maladie de Creutzfeldt-Jakob notamment) pour lesquelles il n'existe aucun traitement ; que la maladie de Creutzfeldt-Jakob se caractérise par une accumulation cérébrale d'une protéine prion anormale (PrPSc) ; que cette protéine correspond à la forme anormale de la protéine PrP, majoritairement exprimée dans le système nerveux central, et résulte d'un changement de conformation de la protéine, assurant la propagation de la maladie et conduisant à l'altération du système nerveux ;
Considérant que la stratégie de l'équipe consiste à introduire, via un vecteur viral (lentivirus), dans des cellules souches neurales thérapeutiques (issues de cellules souches embryonnaires humaines) des séquences codant pour des formes mutantes de la protéine prion, incapables d'être converties en cellules PrPSc anormales ; que ces cellules préviendront les effets délétères de la protéine PrPSc et répareront les lésions neurodégénératives ; que cette stratégie a été validée à l'occasion d'essais chez la souris infectée par les prions : l'équipe a ainsi montré que ce type de cellules souches neurales (fœtales ou issues de la différenciation de cellules souches embryonnaires murines) était capable de ralentir la progression de la maladie ; qu'en parallèle, l'équipe envisage d'étudier le rôle physiologique de la protéine prion normale dans les cellules souches embryonnaires humaines et lors de la différenciation de ces dernières en cellules souches neurales, certaines données récentes indiquant un possible rôle de la protéine PrP dans la biologie des cellules souches ;
Considérant qu'une première autorisation a été accordée à cette équipe en 2005 pour une durée de cinq ans et a fait l'objet d'un renouvellement en 2010 pour cinq années supplémentaires afin d'obtenir des progéniteurs neuraux à partir de CSEh et de valider l'efficacité de cette stratégie dans des modèles in vivo (souris) ou in vitro ; que si la réalisation du protocole a dû être suspendue en raison du déménagement du laboratoire en décembre 2011 et des changements intervenus dans l'équipe (départ à la retraite et congés maternité), l'équipe est aujourd'hui stabilisée et en adéquation avec le programme proposé ; qu'un regroupement avec les équipes de John De Vos et Martine Daujat-Chavanieu a été opéré ; qu'il apparaît tout à fait cohérent et permet de renforcer les collaborations et mutualisations entre les équipes ;
Considérant qu'au cours de la précédente autorisation, l'équipe a défini les protocoles de différenciation en cellules souches neurales, puis en neurones à partir de cellules souches embryonnaires humaines et validé les différents stades de maturation validés par l'expression de marqueurs spécifiques ; qu'elle a en parallèle défini les conditions de transduction des CSEh et des précurseurs neuraux et testé avec succès son efficacité et la synthèse des protéines correspondantes sur la lignée de CSEh H1 ; qu'elle a mis en place un modèle in vitro, utilisant des tranches de cervelet de souris transgéniques exprimant la PrP humaine ; que l'objectif est d'utiliser ce modèle expérimental classique pour greffer des CSEh exprimant les protéines mutées dans ce modèle infecté avec le variant de Creutzfeldt-Jacob et d'évaluer l'effet inhibiteur sur l'accumulation de prion et les lésions induites.
Considérant que l'équipe souhaite poursuivre son projet afin d'offrir une approche thérapeutique associant thérapie cellulaire et génique validée d'un point de vue expérimental dans la maladie de Creutzfeldt-Jakob ; que Sylvain Lehmann envisage également d'étudier le rôle de la PrP dans la biologie des CSEh et lors de la différenciation neurale de ces cellules, ainsi que le rôle de la protéine APP, impliquée dans la maladie d'Alzheimer, présentant des similitudes avec le premier modèle ;
Considérant que la demande s'inscrit dans la continuité du protocole précédent et qu'il s'agit en conséquence d'un protocole de recherche s'inscrivant dans une finalité médicale ;
Considérant qu'en l'état des connaissances scientifiques, elle ne peut être menée sans recourir à des cellules souches embryonnaires humaines ; que le résultat escompté ne peut être obtenu par d'autres moyens, notamment par le recours exclusif à d'autres cellules souches ; que dans la mesure où le programme de l'équipe s'oriente vers une application clinique, il n'existe pas aujourd'hui de produit cellulaire alternatif ayant une efficacité comparable, et qu'il est donc justifié que cette équipe poursuive son programme avec des CSEh, afin de parvenir à un essai clinique rapide dans l'intérêt des patients, dont le conseil d'orientation rappelle l'extrême gravité de leur maladie ;
Considérant que l'utilisation des lignées de cellules souches pluripotentes induites (cellules iPS) est actuellement freinée par l'absence de lignées de référence validées sur le plan international (contrairement aux cellules souches embryonnaires humaines H1 et H9 utilisées dans le présent projet) ; qu'il n'existe pas de lignées iPS de grade clinique immédiatement disponible en France (dérivées en conditions GMP - Good manufacturing practices -, contrainte réglementaire et de sécurité requise pour permettre leur utilisation au stade clinique) alors que de telles lignées de CSEh sont disponibles ;
Considérant la difficulté de dériver des lignées des patients atteints par la maladie de Creutzfeldt-Jakob qui devraient être manipulées au sein d'un laboratoire P3 en raison de leur dangerosité, et enfin l'incertitude concernant les interactions entre le processus de reprogrammation et les anomalies qu'il entraîne ;
Considérant en conséquence que le demandeur apporte les éléments suffisants concernant la pertinence scientifique du projet de recherche d'une part, et ses conditions de mise en œuvre au regard des principes éthiques d'autre part ; qu'il justifie en particulier que le projet sera mené dans le respect des principes éthiques relatifs à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires humaines et que ces cellules ont été obtenues dans le respect des principes fondamentaux prévus aux articles 16 à 16-8 du code civil, et avec le consentement préalable du couple géniteur, et sans qu'aucun paiement, quelle qu'en soit la forme, ne leur ait été alloué ;
Considérant que les titres, diplômes, expérience et travaux scientifiques fournis à l'appui de la demande permettent de s'assurer des compétences du responsable de la recherche et des membres de l'équipe en la matière ; que la structure est pérenne et l'équipe est reconnue internationalement pour ses travaux ; que cette dernière est importante, bien structurée, et présente les capacités requises pour mener à bien le programme envisagé ; qu'elle explore en outre ce domaine de recherche depuis de très nombreuses années ;
Considérant que les locaux, matériels, équipements, procédés et techniques sont adaptés à l'activité de recherche envisagée ; que cette recherche sera effectuée dans des conditions permettant de garantir la sécurité des personnes exerçant une activité professionnelle sur le site, le respect des dispositions applicables en matière de protection de l'environnement, le respect des règles de sécurité sanitaire ainsi que la sécurité, la qualité et la traçabilité des embryons et des cellules embryonnaires ; que les conditions matérielles de sécurité, de conservation, d'accès, de transferts, de locaux dédiés, de sécurisation desdits locaux, de désinfection, la qualité de l'ensemble des plateaux techniques sont parfaitement décrits et n'ont fait l'objet d'aucune réserve de la part de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine ; que le laboratoire dispose des équipements nécessaires à la mise en œuvre de ce protocole de recherche dans des conditions optimales,
Décide :