JORF n°0291 du 16 décembre 2015

Décision du 13 octobre 2015

La directrice générale de l'Agence de la biomédecine,

Vu le code de la santé publique, notamment les articles L. 2151-5 et R. 2151-1 à R. 2151-12 ;

Vu la loi n° 2013-715 du 6 août 2013 tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires ;

Vu la décision du 17 septembre 2013 fixant le modèle de dossier de demande des autorisations mentionné à l'article R. 2151-6 du code de la santé publique ;

Vu la décision de la directrice générale de l'Agence de la biomédecine du 25 juin 2010 autorisant l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (unité UMR861) à mettre en œuvre un protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ;

Vu la demande présentée le 31 mars 2015 par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (unité UMR 861) aux fins d'obtenir le renouvellement de son autorisation de protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ;

Vu le rapport de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine en date du 22 mai 2015 ;

Vu les rapports d'expertise en date du 25 avril et 4 mai 2015 ;

Vu l'avis émis par le conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine le 17 septembre 2015,

Considérant que le projet consiste depuis une première autorisation accordée en 2010 pour une durée de cinq ans à modéliser la neurofibromatose de type 1 (NF1), ou maladie de Recklinghausen, une maladie neurocutanée héréditaire (de transmission autosomique dominante) multisystémique, due à une mutation dans le gène NF1 codant pour la neurofibromine ; que cette protéine est un suppresseur de tumeur et, si elle absente ou non fonctionnelle, il existe un risque de développement de tumeurs ; que la maladie se caractérise par des anomalies des cellules dérivées de la crête neurale (cellules de Schwann fabriquant la myéline et les mélanocytes), conduisant à des neurofibromes cutanés (tumeurs bénignes des gaines des nerfs périphériques), des taches hyperpigmentées, des déformations osseuses et des atteintes neurologiques ; que sa gravité est liée à la prédisposition au développement de tumeurs bénignes et malignes ;

Considérant que l'équipe utilise trois lignées de cellules souches embryonnaires humaines (CSEh) porteuses de mutations de NF1 et issues d'embryons pour lesquels cette anomalie a été diagnostiquée dans le cadre d'un diagnostic préimplantatoire ; que ces cellules ont été dérivées en France par l'équipe de Stéphane Viville en collaboration avec le laboratoire I-Stem dans le cadre d'un protocole de recherche autorisé par l'Agence de la biomédecine ; que l'équipe a réussi à caractériser la mutation présente dans ces cellules et mis au point un protocole de différenciation en mélanocytes à partir des CSEh normales et atteintes ; que les mécanismes conduisant au phénomène d'hyperpigmentation ont été mis en évidence et ont pu être corrigés par des inhibiteurs pharmacologiques ; que ces résultats ont donné lieu à des publications de haut niveau ;

Considérant que l'équipe souhaite poursuivre son projet en se consacrant, par une approche méthodologique similaire, à l'identification et la caractérisation des mécanismes moléculaires associés aux autres atteintes pathologiques de la NF1 (formation de neurofibromes, déformations osseuses et atteintes neurologiques) par une différenciation de cellules souches embryonnaires en cellules de Schwann, en ostéocytes et en neurones ;

Considérant que la demande s'inscrit dans la continuité du protocole précédent et qu'il s'agit en conséquence d'un protocole de recherche s'inscrivant dans une finalité médicale dont l'objectif thérapeutique est clairement exprimé par l'équipe ; que cette modélisation devrait permettre de rechercher des composés capables de corriger ou compenser ces anomalies ;

Considérant que le conseil d'orientation souligne dans son avis l'ambition et la solidité du projet, notamment en raison des résultats prometteurs obtenus dans le cadre de la première autorisation et qu'il est nécessaire de poursuivre en raison des progrès thérapeutiques majeurs auxquels il pourrait conduire ;

Considérant qu'en l'état des connaissances scientifiques, elle ne peut être menée sans recourir à des cellules souches embryonnaires humaines ; que le résultat escompté ne peut être obtenu par d'autres moyens, notamment par le recours exclusif à d'autres cellules souches ; que la modélisation de la maladie est indispensable et qu'il n'existe pas de modèle animal (la mutation est létale) ; que la modélisation par les cellules souches pluripotentes induites (cellules iPS) se heurterait à plusieurs obstacles, notamment la persistance d'une mémoire épigénétique aux conséquences encore mal caractérisées et la difficulté et le peu d'efficacité de la mise au point de protocoles de différenciation de cellules iPS en cellules cutanées, rendant peu fiable la seule utilisation de ces cellules ; que si le criblage aboutit à l'identification de composés potentiellement utiles, l'équipe prévoit de les valider sur des cellules différenciées à partir de cellules iPS dérivées à partir de patients atteints de neurofibromatose ;

Considérant en conséquence que le demandeur apporte les éléments suffisants concernant la pertinence scientifique du projet de recherche, d'une part, et ses conditions de mise en œuvre au regard des principes éthiques, d'autre part ; qu'il justifie en particulier que le projet sera mené dans le respect des principes éthiques relatifs à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires humaines et que ces cellules ont été obtenues dans le respect des principes fondamentaux prévus aux articles 16 à 16-8 du code civil et avec le consentement préalable du couple géniteur et sans qu'aucun paiement, quelle qu'en soit la forme, ne leur ait été alloué ;

Considérant que les titres, diplômes, expérience et travaux scientifiques fournis à l'appui de la demande permettent de s'assurer des compétences du responsable de la recherche et des membres de l'équipe en la matière ; que l'unité INSERM UMR 861 fait partie du laboratoire I-Stem, institut dédié aux cellules souches à visée thérapeutique dirigé par Marc Peschanski ; que les moyens humains et financiers de l'équipe sont en adéquation avec le projet ; que la structure est pérenne et l'équipe est reconnue internationalement pour ses travaux, comme l'est le laboratoire i-Stem ;

Considérant que les locaux, matériels, équipements, procédés et techniques sont adaptés à l'activité de recherche envisagée ; que cette recherche sera effectuée dans des conditions permettant de garantir la sécurité des personnes exerçant une activité professionnelle sur le site, le respect des dispositions applicables en matière de protection de l'environnement, le respect des règles de sécurité sanitaire ainsi que la sécurité, la qualité et la traçabilité des embryons et des cellules embryonnaires ; que les conditions matérielles de sécurité, de conservation, d'accès, de transferts, de locaux dédiés, de sécurisation desdits locaux, de désinfection, la qualité de l'ensemble des plateaux techniques sont parfaitement décrits et n'ont fait l'objet d'aucune réserve de la part de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine ; que le laboratoire I-Stem dispose des équipements nécessaires à la mise en œuvre de ce protocole de recherche dans des conditions optimales,

Décide :

Article 1

L'Institut national de la santé et de la recherche médicale (unité UMR 861) est autorisé à mettre en œuvre, dans les conditions décrites dans le dossier de demande d'autorisation, le protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ayant pour finalité la modélisation in vitro de la neurofibromatose de type 1 à des fins d'études physiopathologiques et thérapeutiques. Ces recherches sont placées sous la responsabilité de Mme Christine Baldeschi.

Article 2

La présente autorisation est accordée pour une durée de cinq ans. Elle peut être suspendue à tout moment pour une durée maximale de trois mois, en cas de violation des dispositions législatives ou réglementaires, par le directeur général de l'Agence de la biomédecine. L'autorisation peut également être retirée, selon les modalités prévues par les dispositions du code de la santé publique susvisées.

Article 3

Toute modification des éléments figurant dans le dossier de demande d'autorisation doit être portée à la connaissance du directeur général de l'Agence de la biomédecine.

Article 4

Le directeur général adjoint chargé des ressources de l'Agence de la biomédecine est chargé de l'exécution de la présente décision, qui sera publiée au Journal officiel de la République française.

Fait le 13 octobre 2015.

A. Courrèges