La directrice générale de l'Agence de la biomédecine,
Vu le code de la santé publique, notamment les articles L. 2151-5, R. 2141-17 à R.2141-23 et R. 2151-1 à R. 2151-12 ;
Vu la loi n° 2013-715 du 6 août 2013 tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires ;
Vu l'arrêté des ministres chargés de la santé et de la recherche du 16 février 2005 et la décision de la directrice générale de l'Agence de la biomédecine du 12 mars 2010 autorisation l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (unité UMR 861) à mettre en œuvre un protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ;
Vu la décision du 17 septembre 2013 fixant le modèle de dossier de demande des autorisations mentionné à l'article R. 2151-6 du code de la santé publique ;
Vu la demande présentée le 31 janvier 2015 par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (unité UMR 861) aux fins d'obtenir le renouvellement de son autorisation de protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ;
Vu le rapport de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine en date du 27 mars 2015 ;
Vu les rapports d'expertise en date du 1er et 17 mars 2015 ;
Vu l'avis émis par le conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine le 16 avril 2015 ;
Considérant que le projet de l'équipe d'Anselme Perrier, conforté par les résultats encourageants découlant d'une approche thérapeutique antérieure faite par l'équipe de Marc Peschanski avec du tissu neuronal fœtal (très restreinte en raison de la source), consiste à proposer une thérapie cellulaire de la maladie de Huntington, maladie monogénique due à la dégénérescence de neurones GABAergiques (neurones qui utilisent l'acide g-aminobutyrique - GABA -, un neurotransmetteur inhibiteur dans le système nerveux central) du striatum, spiny striatal neurons (neurones épineux moyens) ; que cette pathogie est caractérisée par sa gravité, l'absence de traitement, l'atteinte d'un seul type de cellules ;
Considérant que l'objectif est de remplacer le greffon de cellules fœtales par des précurseurs neuronaux dérivés de cellules souches embryonnaires humaines (CSEh) ; que le protocole de recherche envisage de mettre au point les protocoles de différenciation de ces neurones GABAergiques fonctionnels et très spécifiques à partir de CSEh et à établir la preuve de leur efficacité thérapeutique après greffe dans des modèles murins, puis de primates, de cette maladie afin, peut-être, de constituer un futur essai clinique chez l'être humain ;
Qu'il s'agit en conséquence d'un protocole de recherche s'inscrivant dans une finalité médicale ;
Considérant qu'une première autorisation a été accordée à cette équipe en 2005 pour une durée de cinq ans et a fait l'objet d'un renouvellement en 2010 pour cinq années supplémentaires ; que la demande s'inscrit dans la continuité du protocole précédent ; que plusieurs étapes importantes ont été franchies depuis la première autorisation :
- que les conditions permettant d'obtenir, par la différenciation des CSEh, des cellules souches neurales, puis d'orienter la différenciation de ces dernières vers des précurseurs neuronaux épineux moyens striataux GABAergiques ont été identifiées, l'équipe ayant récemment mis en évidence l'importance d'une voie de signalisation cellulaire dans la spécification des précurseurs neuronaux vers le phénotype approprié pour une thérapie cellulaire de la maladie de Huntington ;
- que le stade adéquat de différenciation des cellules in vitro pour une greffe in vivo a été sélectionné au cours de ce processus afin d'éviter la formation de tératomes tout en permettant une amplification cellulaire, une différenciation neuronale efficace et surtout une intégration des neurones produits dans les réseaux neuronaux in vivo, la résolution de ces problématiques, objet d'une amélioration constante au fur et à mesure de la progression du projet de recherche et des résultats publiés dans la littérature internationale, ayant représenté un travail considérable ces dernières années ; et
- qu'une stratégie d'imagerie cérébrale permettant de suivre l'évolution de la greffe et la différenciation de ces cellules une fois greffées in vivo a été mise au point, les prérequis étant de pouvoir détecter des évènements secondaires indésirables et évaluer la survie des cellules et leur intégration dans le réseau neuronal en utilisant une technique (Positron-emission tomography) testée au préalable sur des rats greffés avec des précurseurs neuronaux issus de la différenciation de CSEh ;
Considérant que le protocole de recherche se concentre actuellement sur l'évaluation préclinique autour de trois priorités : le choix des lignées de cellules souches embryonnaires humaines de grade GMP (Good manufacturing practices) et l'adaptation des conditions de culture permettant d'obtenir des greffons neuronaux de grade clinique, des essais de greffe dans des modèles précliniques rongeurs et primates, et l'établissement de stratégies d'imagerie médicale et de stratégies visant à éliminer les risques potentiels de transformation tumorale et de rejet immunologique ;
Considérant qu'en l'état des connaissances scientifiques, elle ne peut être menée sans recourir à des cellules souches embryonnaires humaines ; que le résultat escompté ne peut être obtenu par d'autres moyens, notamment par le recours exclusif à d'autres cellules souches ; que la finalité du programme de recherche est de rendre accessible au plus grand nombre de patients un traitement de thérapie cellulaire efficace contre la maladie de Huntington, ce qui n'apparaît pas possible actuellement avec les tissus fœtaux utilisés dans la mesure où l'existence de problèmes logistiques d'obtention et de contrôle qualité majeurs limitent l'extension de cette approche à un grand nombre de patients ;
Considérant que de nombreuses équipes de recherche travaillent actuellement sur des projets utilisant à la fois des cellules souches embryonnaires humaines et des cellules souches pluripotentes induites (cellules iPS) ; que cette démarche comparative apparaît absolument nécessaire quel que soit le protocole pour maîtriser notre connaissance des cellules iPS, de leur reprogrammation, de leur différenciation et de leurs risques, ce qui ne peut être étudié que par comparaison avec les CSEh, d'une part, et définir des standards de qualité reconnus internationalement, comme c'est le cas pour les CSEh, et des lignées de référence, d'autre part ; que compte tenu du peu de recul sur les iPS, de l'absence de lignée de grade clinique immédiatement disponible en France - alors que de telles lignées CSEh sont disponibles -, et des contraintes réglementaires et de sécurité requises pour une application clinique, un essai clinique utilisant ces cellules iPS dans la maladie de Huntington n'est pas envisageable avant plusieurs années ; qu'au contraire, plus de quatre ans se sont écoulés depuis les premiers essais cliniques avec les CSEh, et de nouveaux sont en préparation, sans qu'aucun effet indésirable majeur n'ait été décrit ;
Considérant que l'équipe d'Anselme Perrier a en outre procédé à une comparaison très large des altérations génomiques qui se développent au cours de la culture des CSEh et des iPS ; qu'elle a pu constater que les altérations ne sont pas identiques et touchent surtout des remaniements structuraux dans les iPS dont les conséquences fonctionnelles devront être analysées avant d'envisager leur utilisation ; qu'il apparaît également que les marques épigénétiques diffèrent, sans que l'on puisse connaître ou anticiper les conséquences de ces différences ;
Considérant qu'appliquées à la maladie de Huntington, les iPS autologues ne pourront être utilisées (car porteuses de la mutation délétère) sans une correction génique qui ne peut être envisagée aujourd'hui en l'état des connaissances scientifiques, ce qui supprimerait l'avantage éventuel d'une utilisation autologue ;
Considérant que compte tenu de ces incertitudes, la communauté scientifique et médicale s'accorde sur le fait que pour les prochaines années, les CSEh apparaissent en l'état actuel des connaissances plus sûres et saines dans ce type d'application, ce qui justifie le choix des CSEh ; que dans la mesure où le programme de l'équipe d'Anselme Perrier s'oriente vers une application clinique, il n'existe pas aujourd'hui de produit cellulaire alternatif ayant une efficacité comparable, et il est donc justifié que cette équipe poursuive son programme avec des CSEh, afin de parvenir à un essai clinique rapide dans l'intérêt des patients ;
Considérant en conséquence que le demandeur apporte les éléments suffisants concernant la pertinence scientifique du projet de recherche d'une part, et ses conditions de mise en œuvre au regard des principes éthiques d'autre part ; qu'il justifie en particulier que le projet sera mené dans le respect des principes éthiques relatifs à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires humaines et que ces cellules ont été obtenues dans le respect des principes fondamentaux prévus aux articles 16 à 16-8 du code civil, et avec le consentement préalable du couple géniteur, et sans qu'aucun paiement, quelle qu'en soit la forme, ne leur ait été alloué ; que les titres, diplômes, expérience et travaux scientifiques fournis à l'appui de la demande permettent de s'assurer des compétences du responsable de la recherche et des membres de l'équipe en la matière ; que l'unité INSERM UMR 861 d'Anselme Perrier, reconnue internationalement pour ses travaux, fait partie du laboratoire i-Stem, institut dédié aux cellules souches à visée thérapeutique dirigé par Marc Peschanski et que l'ensemble des travaux sont réalisés en collaboration avec les meilleures équipes françaises d'imagerie cérébrale et de neurochirurgie, et s'intègrent dans le cadre de programmes internationaux financés ;
Considérant que les locaux, matériels, équipements, procédés et techniques sont adaptés à l'activité de recherche envisagée ; que cette recherche sera effectuée dans des conditions permettant de garantir la sécurité des personnes exerçant une activité professionnelle sur le site, le respect des dispositions applicables en matière de protection de l'environnement, le respect des règles de sécurité sanitaire ainsi que la sécurité, la qualité et la traçabilité des embryons et des cellules embryonnaires,
Décide :