La directrice générale de l'Agence de la biomédecine,
Vu le code de la santé publique, et notamment les articles L. 2151-5, R. 2141-17 à R.2141-23 et R. 2151-1 à R. 2151-12 ;
Vu la loi n° 2013-715 du 6 août 2013 tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires ;
Vu la décision du 17 septembre 2013 fixant le modèle de dossier de demande des autorisations mentionné à l'article R. 2151-6 du code de la santé publique ;
Vu la décision de la directrice générale de l'Agence de la biomédecine du 17 décembre 2010 autorisant l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (unité 1197) à mettre en œuvre un protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ;
Vu la demande présentée le 30 septembre 2014 par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (unité 1197) aux fins d'obtenir le renouvellement de son autorisation de protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ;
Vu les informations complémentaires apportées par le demandeur ;
Vu le rapport de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine en date du 29 décembre 2014 ;
Vu les rapports d'expertise en date du 27 et 29 novembre 2014 ;
Vu l'avis émis par le conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine le 16 avril 2015 ;
Considérant que l'équipe de Georges Uzan concentre ses recherches depuis de très nombreuses années sur le développement de précurseurs endothéliaux, qui peuvent ensuite se différencier en cellules endothéliales utilisables en thérapeutique ; que l'objectif est de concevoir un produit thérapeutique capable d'aider à la revascularisation dans le cadre des artériopathies oblitérantes des membres inférieurs ; que de très nombreux essais cliniques ont testé différentes populations cellulaires, dont les cellules mononuclées de la moelle osseuse, et plusieurs approches précliniques chez l'animal ont démontré l'efficacité de progéniteurs endothéliaux ;
Considérant que la recherche sur les cellules endothéliales présente une double finalité médicale : élaborer un produit de thérapie cellulaire destiné à créer ou amplifier une vascularisation déficiente ou insuffisante dans certaines pathologies (insuffisances artérielles des membres inférieurs) ou comme support de transplantation (greffons osseux, cardiaques…) d'une part, et utiliser la détection et la mesure du nombre de ces cellules circulantes comme marqueurs dans certaines pathologies (par exemple maladies coronaires et artérielles) d'autre part ; que ces deux applications ont fait l'objet de nombreuses publications par l'équipe ; qu'un autre aspect important des recherches de cette équipe est relatif à la spécialisation des différentes populations de cellules endothéliales ; que comprendre en quoi l'environnement de ces tissus dicte les particularités des réseaux vasculaires permettrait peut-être la fabrication de cellules endothéliales « spécifiques » selon l'organe dans lequel on souhaite les greffer ;
Considérant que, dans ce contexte, il apparaît important de disposer d'une source de progéniteurs endothéliaux accessible et en très grand nombre ; que Georges Uzan et son équipe ont beaucoup travaillé sur les précurseurs endothéliaux circulants, obtenus à partir de sang de cordon ou de sang adulte, qui sont capables de s'intégrer à un réseau vasculaire existant ; que ces deux sources ont leurs limites (quantité de sang disponible et capacité limitée des progéniteurs adultes à proliférer et à régénérer), compromettant une possible utilisation thérapeutique ; que le recours aux cellules souches embryonnaires humaines (CSEh) est donc une hypothèse logique en tant que source possible de précurseurs endothéliaux dans le cadre de ce protocole, les cellules endothéliales dérivant du feuillet mésodermique embryonnaire dont sont issus également les lignages hématopoïétiques, mésenchymateux ou cardiaques ;
Considérant qu'une première autorisation a été accordée à cette équipe en 2006 pour une durée de quatre ans et a fait l'objet d'un renouvellement en 2010 pour quatre années supplémentaires ; que, dans un premier temps, l'équipe de Georges Uzan a défini des conditions de différenciation des CSEh, d'abord en cellules souches mésodermiques puis dans les voies de différenciation endothéliale et mésenchymateuse ; qu'elle a ainsi isolé des cellules endothéliales fonctionnelles et des précurseurs mésenchymateux ; que les cellules endothéliales ont été caractérisées, mais prolifèrent peu et sont peu capables de réparer et s'intégrer au système vasculaire in vivo chez l'animal ; que ces résultats ne sont donc pas optimum dans une perspective thérapeutique mais sont identiques, que l'on travaille avec des CSEh ou des cellules souches pluripotentes induites (iPS) ; que l'équipe s'est par la suite concentrée sur la caractérisation des progéniteurs mésenchymateux obtenus à partir de progéniteurs mésodermiques issus de CSEh et que ces cellules ont été comparées à des cellules mésenchymateuses classiques de moelle osseuse ; qu'il s'est avéré qu'elles n'en partageaient pas toutes les propriétés ;
Considérant que la demande s'inscrit dans la continuité du protocole précédent ; qu'il s'agit d'optimiser la stratégie d'obtention de cellules endothéliales à partir de cellules souches embryonnaires humaines et réussir à dériver des progéniteurs endothéliaux capables de réparation vasculaire ; que la démarche expérimentale est novatrice dans la mesure où elle consiste à isoler un progéniteur « bipotent » appelé hémangioblaste et à engager sa différenciation vers la lignée endothéliale ;
Considérant que les deux lignages hématopoïétique et endothéliale ont une grande proximité au cours du développement embryonnaire normal ; qu'on sait que les cellules souches hématopoïétiques naissent à partir de certaines cellules de l'endothélium de l'aorte dorsale qui acquièrent une identité hématopoïétique chez l'embryon, chez l'animal comme chez l'homme, et qu'il est également possible d'isoler à partir de cultures de cellules souches embryonnaires murines et de tissus embryonnaires (souris et homme) un progéniteur « bipotent », appelé hémangioblaste, qui peut se différencier in vitro en cellules endothéliales et en cellules hématopoïétiques ; que cet hémangioblaste a été décrit dans des cultures de CSEh mais on ignore si, in vivo chez l'embryon, une cellule de type hémangioblaste contribue physiologiquement à l'émergence des cellules endothéliales et hématopoïétiques ; que cette stratégie d'isolement d'hémangioblastes a été validée par de nombreuses équipes, pratiquement toujours à partir de CSEh ;
Considérant que, jusqu'à présent, la technique mise en place par l'équipe de Georges Uzan conduisait à l'obtention de cellules endothéliales matures, peu capables de proliférer, ce qui n'est pas envisageable dans une perspective thérapeutique ; qu'en partant d'hémangioblastes, il serait possible d'obtenir des progéniteurs endothéliaux plus immatures, proches de ceux du sang de cordon, et donc dotés d'une capacité de prolifération plus vigoureuse ; que l'objectif du protocole est donc de déterminer les conditions de culture permettant d'obtenir ces hémangioblastes (cette partie a déjà été mise au point) et ensuite de les spécifier en progéniteurs endothéliaux ; que ces progéniteurs endothéliaux seront comparés à ceux obtenus de sang de cordon ;
Qu'il s'agit en conséquence d'un protocole de recherche s'inscrivant dans une finalité médicale ;
Considérant qu'en l'état des connaissances scientifiques elle ne peut être menée sans recourir à des cellules souches embryonnaires humaines ; que le résultat escompté ne peut être obtenu par d'autres moyens, notamment par le recours exclusif à d'autres cellules souches ; que de nombreuses équipes de recherche travaillent actuellement sur des projets utilisant à la fois des cellules souches embryonnaires humaines et des cellules souches pluripotentes induites (cellules iPS), les propriétés de ces dernières (notamment leur propriété de pluripotence et donc de différenciation) étant proches de celles des CSEh ;
Considérant qu'il existe un consensus très général dans la communauté scientifique sur le fait que cette comparaison iPS/CSEh est essentielle à la progression des connaissances sur les iPS ; que la validation par la communauté scientifique de données émanant de cellules souches pluripotentes induites requiert le plus souvent, dans les publications reconnues, la comparaison de ces données à celles obtenues à partir de lignées de CSEh de référence ; que cette démarche comparative apparaît absolument nécessaire - quel que soit le protocole - pour maîtriser notre connaissance des cellules iPS, de leur reprogrammation, de leur différenciation et de leurs risques, ce qui ne peut être étudié que par comparaison avec les CSEh d'une part et pour définir des standards de qualité reconnus internationalement, comme c'est le cas pour les CSEh, et des lignées de référence, compte tenu du peu de recul sur les iPS, de l'absence de lignée de grade clinique immédiatement disponible en France - alors que de telles lignées CSEh sont disponibles -, et des contraintes réglementaires et de sécurité requises pour une application clinique d'autre part ;
Considérant qu'afin de garantir l'obtention de résultats fiables et admis, l'équipe de Georges Uzan travaille avec des lignées de CSEh qui sont universellement utilisées dans de multiples protocoles (H1, H9), en particulier pour la lignée mésodermique ; que ces lignées de CSEh ont été utilisées par les équipes pionnières qui ont initialement décrit les hémangioblastes ;
Considérant que l'ensemble des travaux menés sur le caractère bipotent de l'hémangioblaste depuis son identification en 1997 l'ont été dans des cultures de CSE murines ou humaines (et de référence H1 ou H9), ou chez l'embryon in vivo ; que même si les iPS sont des cellules pluripotentes, leur caractère artificiel en font des cellules dont l'utilisation est moins pertinente que celle des CSEh pour décrypter une question de développement embryonnaire, dans l'état actuel des connaissances ; que deux publications en 2012 décrivent les résultats d'un protocole de différenciation de quelques iPS en hémangioblastes, mais la comparaison est faite avec H1 et H9. Ces résultats ne peuvent pas être généralisés à l'ensemble des iPS ;
Considérant que le fait que les cellules souches embryonnaires humaines ne sont pas artificiellement modifiées est d'autant plus important que les progéniteurs endothéliaux que souhaite produire l'équipe de Georges Uzan seront comparés aux progéniteurs endothéliaux dérivés de sang de cordon (aussi d'origine fœtale), qui constituent le standard ;
Considérant que compte tenu de ces incertitudes, la communauté scientifique et médicale s'accorde sur le fait que pour les prochaines années, les CSEh apparaissent en l'état actuel des connaissances plus sûres et saines dans ce type d'application, ce qui justifie le choix des CSEh ; que dans la mesure où le programme de l'équipe de Georges Uzan s'inscrit vers une application thérapeutique, il n'existe pas aujourd'hui de produit cellulaire alternatif ayant une efficacité comparable, et il est donc justifié que cette équipe poursuive son programme avec des CSEh ;
Considérant en conséquence que le demandeur apporte les éléments suffisants concernant la pertinence scientifique du projet de recherche d'une part, et ses conditions de mise en œuvre au regard des principes éthiques d'autre part ; qu'il justifie en particulier que le projet sera mené dans le respect des principes éthiques relatifs à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires humaines et que ces cellules ont été obtenues dans le respect des principes fondamentaux prévus aux articles 16 à 16-8 du code civil, et avec le consentement préalable du couple géniteur, et sans qu'aucun paiement, quelle qu'en soit la forme, ne leur ait été alloué ; que les titres, diplômes, expérience et travaux scientifiques fournis à l'appui de la demande permettent de s'assurer des compétences du responsable de la recherche et des membres de l'équipe en la matière ; que les experts relèvent la qualité de l'équipe, et sa légitimité à proposer ce protocole, compte tenu de sa maîtrise des connaissances théoriques et pratiques dans le domaine de la dérivation de cellules endothéliales à visée thérapeutique, de ses collaborations avec des cliniciens et des nombreuses publications sur la purification et la culture de progéniteurs endothéliaux à partir notamment de sang de cordon, de sang adulte, et de CSEh, dont Georges Uzan est indiscutablement un spécialiste reconnu ;
Considérant que les locaux, matériels, équipements, procédés et techniques sont adaptés à l'activité de recherche envisagée ; que cette recherche sera effectuée dans des conditions permettant de garantir la sécurité des personnes exerçant une activité professionnelle sur le site, le respect des dispositions applicables en matière de protection de l'environnement, le respect des règles de sécurité sanitaire ainsi que la sécurité, la qualité et la traçabilité des embryons et des cellules embryonnaires,
Décide :