JORF n°0194 du 24 août 2018

Décision du 11 juillet 2018

La directrice générale de l'Agence de la biomédecine,

Vu le code de la santé publique, et notamment les articles L. 2151-5 et R. 2151-1 à R. 2151-12 ;

Vu la décision du 8 septembre 2015 modifiant la décision 2013-11 du 17 septembre 2013 fixant le modèle de dossier de demande des autorisations mentionnées à l'article R. 2151-6 du code de la santé publique ;

Vu la demande présentée le 28 février 2018 par l'EFS Atlantic Bio GMP (Saint Herblain) aux fins d'obtenir une autorisation de protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ;

Vu les informations complémentaires apportées par le demandeur ;

Vu le rapport de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine en date du 13 avril 2018 ;

Vu les rapports d'expertise en date du 28 avril et 30 mai 2018 ;

Vu l'avis émis par le conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine le 21 juin 2018 ;

Considérant que le projet de recherche utilise la lignée RC-09 provenant de Roslin Cells (Ecosse) ; que déjà présente sur le territoire national, elle a été importée par l'unité de thérapie cellulaire et génique du centre hospitalier universitaire de Nantes en vertu d'une autorisation délivrée le 17 décembre 2010 par décision du directeur général de l'Agence de la biomédecine en application des dispositions de l'article L. 2151-6 du code de la santé publique ; qu'à l'occasion de la demande d'autorisation d'importation par Brigitte Dreno, le respect des exigences posées par les articles 16 à 16-8 du code civil et de celles relatives à l'information et au recueil du consentement des couples a été vérifié et la demande de renouvellement d'autorisation de recherche présente de nouveau l'ensemble des documents permettant de s'assurer du respect des conditions législatives et réglementaires ;

Considérant que les titres, diplômes, expérience et travaux scientifiques fournis à l'appui de la demande permettent de s'assurer des compétences du responsable de la recherche et des membres de l'équipe en la matière ; que l'EFS Atlantic Bio GMP est un établissement public ayant reçu le statut d'établissement pharmaceutique par l'ANSM en 2014, ce qui l'autorise à produire des médicaments de thérapie innovante (MTI) pour des essais cliniques ; que l'équipe dédiée au projet est composée d'un responsable de production, qui sera encadré par le directeur du site, et qui aura à sa disposition une équipe de techniciens de production et de contrôle qualité que le pharmacien responsable sera impliqué dans la libération des lots cliniques et que l'équipe est bien dimensionnée et possède déjà l'expérience de la production d'un lot clinique dans le cadre de l'essai STREAM, qui visait à produire un épithélium pigmentaire de la rétine pour un essai clinique à venir ; que Thomas Zuliani, responsable de production, a déjà manipulé les cellules RC-9 lors de son expérience au sein de l'Unité de thérapie cellulaire et génique du CHU de Nantes et que le laboratoire de Marc Peschanski (laboratoire I-Stem, Evry), qui a mis le processus de différenciation au point, assurera un soutien lors des étapes de transposition du protocole ;

Considérant que la structure est pérenne et le financement est assuré ; que le financement sera entièrement pris en charge par le laboratoire I-Stem, qui dispose de nombreuses sources de financement provenant notamment du Généthon ;

Considérant que les locaux, matériels, équipements, procédés et techniques sont adaptés à l'activité de recherche envisagée ; que cette recherche sera effectuée dans des conditions permettant de garantir la sécurité des personnes exerçant une activité professionnelle sur le site, le respect des dispositions applicables en matière de protection de l'environnement, le respect des règles de sécurité sanitaire ainsi que la sécurité, la qualité et la traçabilité des cellules embryonnaires ; que les conditions matérielles de sécurité, de conservation, d'accès, de transferts, de locaux dédiés, de sécurisation desdits locaux, de désinfection, la qualité de l'ensemble des plateaux techniques sont parfaitement décrits et n'ont fait l'objet d'aucune réserve de la part de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine ; que le laboratoire dispose des équipements nécessaires à la mise en œuvre de ce protocole de recherche dans des conditions optimales ;

Considérant que le projet de recherche concerne un protocole de production de cellules destinées à un essai clinique de phase I/II (dont l'AP-HP est le promoteur) dans le cadre du programme PACE (Pioneer advanced cell therapy of the epidermis) proposé par le laboratoire I-Stem de Marc Peschanski et l'équipe de Gilles Lemaître ; que ce protocole de recherche a été autorisé par l'Agence de la biomédecine et consiste à concevoir un greffon sous la forme d'un feuillet épidermique allogénique fait d'une population pure et homogène de kératinocytes capable de reconstituer un épiderme pluristratifié, dérivés de CSEh, qui serait utilisé comme pansement transitoire chez des patients atteints d'ulcères cutanés chroniques comme complication d'une drépanocytose ; que ces cellules allogéniques doivent favoriser la réparation de la lésion par les cellules souches épidermiques endogènes présentes ; que les cellules kératinocytaires dérivées des CSEh seront associées à un support biocompatible (matrice de plasma) sur lequel elles sont ensemencées préalablement à l'implantation ;

Considérant que l'EFS ABG aura la responsabilité de fournir le substitut prêt à être greffé ;

Considérant que le protocole comprend plusieurs étapes : le transfert de technologie, incluant l'acquisition du savoir-faire technologique et également l'intégration de la documentation spécifique au projet PACE, la production des banques cellulaires, qui doit être précédée par la production d'un lot de transfert grande échelle réalisé en conditions réelles et enfin la production des unités thérapeutiques kératinocytes ;

Considérant que le protocole pour lequel l'EFS ABG sollicite une autorisation fait partie des étapes indispensables à la réalisation d'un essai clinique, dont le démarrage est envisageable courant 2019 ; que la finalité médicale du projet et l'objectif thérapeutique est évidente ; que les aspects techniques sont parfaitement maîtrisés et que toutes les garanties sont réunies pour mener à bien les dernières étapes avant la mise à disposition d'un produit de thérapie cellulaire pour des patients en attente de traitement pour des affections particulièrement sévères et sans solution à ce jour ;

Considérant que le résultat escompté ne peut être obtenu par d'autres moyens, notamment par le recours exclusif à d'autres types de cellules souches ; que, s'agissant des cellules souches embryonnaires murines et primates, il n'est pas envisageable d'utiliser des cellules d'origine animale alors que l'objectif général du projet est de développer un produit de thérapie cellulaire en vue d'une utilisation en clinique chez l'Homme ; que le recours à des cellules souches pluripotentes induites (IPS), reprogrammées à partir de cellules adultes, n'est pas adapté non plus dans la mesure où les cellules IPS ne reproduisent pas complètement le phénotype des CSEh et tendent à conserver la mémoire épigénétique du tissu somatique d'origine ; que ces cellules sont par ailleurs porteuses de mutations spécifiques dues au processus de reprogrammation lui-même ;

Considérant que les conséquences des anomalies génétiques et des modifications épigénétiques (multiples et différentes pour chaque lignée) créées par le processus de reprogrammation lui-même et le processus de différenciation des cellules iPS sont encore mal appréciées ; qu'une des plus grandes difficultés actuelles est l'extrême hétérogénéité des lignées d'iPS, aggravée par la diversité des techniques de reprogrammation, des conditions de culture et des cellules somatiques d'origine (induisant une "mémoire épigénétique" persistante) ; que les CSEh sont, par comparaison, beaucoup plus homogènes, toutes issues de la masse interne du blastocyste, et spontanément pluripotentes, sans nécessité d'induire des modifications génétiques ou épigénétiques, pour leur conférer cette pluripotence ;

Considérant, compte tenu de ces incertitudes, que la communauté scientifique et médicale s'accorde sur le fait que pour les prochaines années, les CSEh apparaissent en l'état actuel des connaissances plus sûres et saines pour le type d'application envisagé dans le programme objet de la présente demande, ce qui justifie le choix des CSEh ;

Considérant que le demandeur apporte les éléments suffisants concernant la pertinence scientifique du projet de recherche d'une part, et ses conditions de mise en œuvre au regard des principes éthiques d'autre part ; qu'il justifie en particulier que le projet sera mené dans le respect des principes éthiques relatifs à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires humaines et que ces cellules ont été obtenues conformément aux conditions législatives et réglementaires ;

Décide :

Article 1

L'EFS Atlantic Bio GMP (Saint Herblain) est autorisé à mettre en œuvre, dans les conditions décrites dans le dossier de demande d'autorisation, le protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ayant pour finalité l'étude de la production d'un substitut épidermique PACE par un établissement pharmaceutique en vue d'un essai clinique de phase I/II. Ces recherches sont placées sous la responsabilité de Mme Sophie DERENNE.

Article 2

La présente autorisation est accordée pour une durée de cinq ans. Elle peut être suspendue à tout moment pour une durée maximale de trois mois, en cas de violation des dispositions législatives ou réglementaires, par le directeur général de l'Agence de la biomédecine. L'autorisation peut également être retirée, selon les modalités prévues par les dispositions du code de la santé publique susvisées.

Article 3

Toute modification des éléments figurant dans le dossier de demande d'autorisation doit être portée à la connaissance du directeur général de l'Agence de la biomédecine.

Article 4

Le directeur général adjoint chargé des ressources de l'Agence de la biomédecine est chargé de l'exécution de la présente décision, qui sera publiée au Journal officiel de la République française.

Fait le 11 juillet 2018.

A. Courrèges