JORF n°0233 du 7 octobre 2022
Arrêté du 4 octobre 2022
Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires,
Vu la directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la conservation des oiseaux sauvages (directive « Oiseaux ») ;
Vu le code de l'environnement, notamment ses articles L. 424-4, R. 424-9 et R. 424-9-1 ;
Vu l'arrêté du 20 décembre 1983 relatif à la commercialisation de certaines espèces d'oiseaux ;
Vu l'arrêté du 4 novembre 2003 relatif à l'usage des appeaux et des appelants pour la chasse des oiseaux de passage, du gibier d'eau et de certains corvidés et pour la destruction des animaux nuisibles ;
Vu l'arrêt C-900/19 du 17 mars 2021 de la Cour de justice de l'Union européenne ;
Vu l'avis du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage en date du 20 juillet 2022 ;
Vu les observations formulées lors de la consultation du public réalisée du 21 juillet au 10 août 2022, en application de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement ;
Considérant que le 1 de l'article 8 de la directive « Oiseaux » interdit le recours à tous moyens, installations ou méthodes de capture ou de mise à mort massive ou non sélective ou pouvant entraîner localement la disparition d'une espèce ;
Considérant que le a de l'annexe IV de la directive « Oiseaux » liste les filets parmi ces moyens, installations ou méthodes ;
Considérant que par dérogation à ces dispositions, le c du 1 de l'article 9 de la directive « Oiseaux » autorise l'exploitation judicieuse de moyens, installations ou méthodes de ce type qui, en l'absence d'autre solution satisfaisante, ont pour objectif la capture sélective et strictement contrôlée de petites quantités d'oiseaux ;
Concernant l'exploitation judicieuse :
Considérant que les méthodes de chasse traditionnelles sont susceptibles de constituer une exploitation judicieuse au sens de l'article 9 de la directive « Oiseaux » (CJUE, 17 mars 2021, n° C-900/19) alors même que l'objectif de préserver ces méthodes ne constitue pas un motif autonome de dérogation au sens de cet article ;
Considérant que cette exploitation n'est judicieuse que si elle concerne des espèces dont les niveaux de population sont maintenus à un niveau satisfaisant, c'est-à-dire à un niveau permettant une exploitation admissible des prélèvements opérés (CJUE, 16 octobre 2003, n° C-182/02 ; CJUE, 8 juin 2006, n° C-60/05 ; CJUE, 10 septembre 2009, n° C-76/08 ; CJUE, 23 avril 2020, C-217/19) ;
Considérant que les évaluations régulières de populations d'alouettes des champs indiquent qu'elles bénéficient d'un état de conservation satisfaisant ;
Considérant que les captures d'alouettes des champs à l'aide de pantes représentent moins de 1 % de la mortalité annuelle de l'espèce et qu'elles n'ont, par conséquent, aucun impact sur son statut de conservation ;
Considérant que ce mode de chasse favorise une cohabitation harmonieuse des chasseurs et des autres usagers de la nature ;
Concernant l'absence d'autre solution satisfaisante :
Considérant que les stipulations de l'article 8 de la directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 interdisent de recourir aux méthodes de chasse énumérées à l'annexe IV, notamment l'usage de filets ;
Considérant que les stipulations de l'article 9 de la directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009, qui ont précisément pour objet de permettre de déroger sous condition à l'interdiction posée à l'article 8, impliquent nécessairement que la chasse à tir n'est pas, en elle-même, une alternative satisfaisante à la pratique d'une chasse traditionnelle par capture d'oiseaux de cette espèce ;
Considérant que si le caractère traditionnel d'une méthode de capture n'est pas, en lui-même, suffisant pour caractériser une absence d'autre solution satisfaisante, il peut en constituer un indice (ou il peut y contribuer) ;
Considérant que les Traités fondateurs de l'Union européenne protègent les cultures et traditions des Etats membres (préambule du Traité sur l'Union européenne, article 3 du Traité sur l'Union européenne et article 13 du Traité sur le fonctionnement de l'Union) ;
Considérant que le principe de proportionnalité, qui est protégé par les Traités fondateurs de l'Union européenne (article 5 du Traité sur l'Union européenne et article 1er du protocole n° 2 sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité annexé au Traité sur l'Union européenne et au Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne), exige que les actes des institutions de l'Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la directive « Oiseaux » ;
Considérant que la capture d'alouettes des champs à l'aide de pantes intègre un ensemble de cultures et de traditions locales qui dépassent la simple conservation d'un usage cynégétique ;
Considérant que la capture d'alouettes des champs à l'aide de pantes est dans la continuité de savoirs et de savoir-faire cynégétiques qui appartiennent à l'histoire et au patrimoine de la France et de l'humanité ;
Considérant que la capture d'alouettes des champs à l'aide de pantes véhicule un patrimoine architectural, artisanal, culinaire, cynégétique et linguistique propre aux départements dans lesquels elle se pratique ;
Considérant que la capture d'alouettes des champs à l'aide de pantes fait le lit de nombreuses recherches en sciences sociales ;
Considérant que la capture d'alouettes des champs à l'aide de pantes participe localement à l'entretien des espaces et des habitats naturels et, par conséquent, à la conservation et à la protection de la biodiversité ;
Considérant que la directive « Oiseaux » prescrit aux Etat membres de prendre toutes les mesures nécessaires pour maintenir ou adapter la population de toutes les espèces d'oiseaux vivant naturellement à l'état sauvage sur le territoire européen des Etat membres à un niveau qui corresponde notamment aux exigences écologiques, scientifiques et culturelles, compte tenu des exigences économiques et récréationnelles (article 2 de la directive « Oiseaux ») ;
Considérant qu'il ressort de l'économie générale de la directive que l'objectif poursuivi par le législateur européen est de concilier, autant que faire se peut, la protection des oiseaux vivant naturellement à l'état sauvage dans l'Union européenne avec le respect des exigences culturelles, écologiques, économiques, récréationnelles et scientifiques des Etats membres ;
Considérant que constitue par conséquent une solution alternative satisfaisante, toute alternative aux chasses traditionnelles offrant à la protection des oiseaux des garanties supérieures, tout en proposant aux chasseurs un substitut culturellement et économiquement crédible à la satisfaction de leurs loisirs ;
Considérant que, ni l'élevage, ni la chasse à tir, ne constituent des solutions alternatives satisfaisantes à la capture d'alouettes des champs à l'aide de pantes ;
Considérant que l'intérêt de cette pratique réside, pour les chasseurs, non pas dans la détention, l'élevage et/ou la reproduction d'oiseaux en captivité, ni même dans leur simple prélèvement, mais dans l'art qui entoure leur capture et la préparation de leur consommation : entretenir les sites de chasse, préparer les filets, se fondre dans la nature, attirer les oiseaux, connaître leur éthologie, les cuisiner et partager cette passion tout en la transmettant aux nouvelles générations ;
S'agissant du cas de l'élevage :
Quant à l'absence d'autre solution satisfaisante pour les oiseaux :
Considérant que la prise en compte du bien-être animal est protégée par les Traités fondateurs de l'Union européenne (article 13 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne) ;
Considérant qu'une vie de captivité ne constituerait pas, pour les oiseaux, une option satisfaisante à la vie sauvage ;
Considérant que la mise en place d'une filière d'élevage et de reproduction des oiseaux concernés ne serait, ni adaptée, ni proportionnée dans la mesure où la capture d'alouettes des champs à l'aide de pantes offre déjà aux chasseurs la possibilité de s'emparer, pour un usage comme appelant pour un temps limité, de quelques alouettes des champs ayant toujours vécu en liberté et qui, pour la plupart, ont vocation à recouvrer la vie sauvage ;
Quant à l'absence d'autre solution satisfaisante pour les chasseurs :
Considérant que les Traités fondateurs protègent les cultures et les traditions des Etats membres (préambule du Traité sur l'Union européenne, article 3 du Traité sur l'Union européenne et article 13 du Traité sur le fonctionnement de l'Union) ;
Considérant que la capture d'alouettes des champs à l'aide de pantes consiste principalement à capturer des spécimens destinés à la consommation locale ;
Considérant que la chasse et l'élevage constituent deux activités totalement différentes ;
Considérant que l'élevage et la reproduction en captivité d'alouettes des champs sont techniquement difficiles ;
Considérant que les difficultés entourant l'élevage et la reproduction en captivité de l'alouette des champs ne permettraient pas, aux chasseurs, de satisfaire leurs besoins en appelants ;
Considérant que les qualités comportementales des alouettes des champs captives seraient altérées ;
Considérant que le commerce d'alouettes des champs est interdit par la réglementation (y compris comme appelants) ;
S'agissant du cas de la chasse à tir :
Quant à l'absence d'autre solution satisfaisante pour les oiseaux :
Considérant que, contrairement à la chasse à tir de l'alouette des champs, la capture de cette même espèce à l'aide de pantes est subordonnée au prélèvement de petites quantités d'oiseaux ;
Considérant que la capture d'alouettes des champs à l'aide de pantes est subordonnée à des contrôles encore plus stricts que ceux opérés dans le cadre de la chasse à tir ;
Considérant que la capture d'alouettes des champs à l'aide de pantes n'est pas moins sélective que sa chasse à tir ;
Considérant que les savoirs et savoir-faire accumulés par les chasseurs au fil des siècles rendent les prises accidentelles exceptionnelles et compatibles avec l'interprétation de la directive « Oiseaux » ;
Quant à l'absence d'autre solution satisfaisante pour les chasseurs :
Considérant que chasse à tir et chasse traditionnelles constituent deux modes de relations bien différents au sauvage au point que certains socio-anthropologues distinguent « pratiques cynégétiques » et « pratiques ceptologiques » ;
Concernant les petites quantités :
Considérant que des quotas de prélèvements sont fixés annuellement, que la méthode utilisée, l'information des services de l'Office français de la biodiversité par les chasseurs et les contrôles réalisés impliquent nécessairement un prélèvement inférieur à 1 % et que ce niveau de prélèvement est considéré comme une « petite quantité » au sens de l'article 9 de la directive « Oiseaux » ;
Considérant que la notion de petites quantités implique des prélèvements inférieurs à 1 % de la mortalité annuelle totale de la population concernée, étant entendu que par « population concernée », les juges parlent, pour les espèces migratrices, des populations des régions qui fournissent les principaux contingents fréquentant la région où s'exerce la dérogation pendant la période d'application de celle-ci (CJUE, 9 décembre 2004, n° C-79/03 ; CJUE, 15 décembre 2005, n° C-344/03 ; CJUE, 8 juin 2006, n° C-60/05 ; CJUE, 21 juin 2018, Commission/Malte, C-557/15 ; CJUE, 23 avril 2020, n° C-217/19) ;
Considérant que le nombre maximum d'alouettes des champs pouvant être capturés pendant la campagne cynégétique sont fixés chaque année dans chaque département par le ministre chargé de la chasse dans le but de satisfaire au critère des petites quantités ;
Considérant que chaque pratiquant est tenu d'informer en temps réel, sous les réserves énoncées à l'article 6, la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs concernée des prélèvements qu'il réalise ;
Considérant que lorsque le nombre maximal de spécimens à prélever est atteint, la Fédération nationale des chasseurs et les fédérations départementales et interdépartementales de chasseurs concernées sont chargées d'informer immédiatement leurs chasseurs que les prélèvements sont suspendus, un avis étant également publié sur le site internet de l'Office français de la biodiversité ;
Concernant la sélectivité :
Considérant qu'une méthode de chasse non létale est sélective dès lors qu'elle n'entraîne que de faibles volumes de prises accidentelles pouvant être relâchées rapidement sans que ne leur soit causé aucun dommage autre que négligeable (CJUE, 17 mars 2021, n° C-900/19) ;
Considérant que la capture d'alouettes des champs à l'aide de pantes constitue un mode de chasse non létal ;
Considérant que la capture des alouettes des champs à l'aide de filets est assurée par l'adaptation des dispositifs de capture à l'éthologie et à la morphologie de l'alouettes des champs ;
Considérant que la période au cours de laquelle les captures sont autorisées limite le risque de prises accidentelles ;
Considérant que les lieux à proximité desquels les captures sont autorisées limitent les risques de prises accidentelles ;
Considérant que les sites de chasse aux pantes sont aménagés dans un environnement dégagé permettant la surveillance constante des mécanismes de captures ;
Considérant que les filets ne peuvent être tendus qu'en présence du chasseur et à proximité de lui ;
Considérant que le déclenchement des filets résulte d'une action volontaire du chasseur après identification préalable d'alouettes des champs ;
Considérant que le maillage des filets ne permet pas la capture d'oiseaux de taille différente de celle de l'alouette des champs ;
Considérant que l'utilisation d'appeaux et d'appelants vivants contribue à la sélectivité du mécanisme de capture ;
Considérant que la courte distance séparant le chasseur des filets qu'il déclenche lui permet de relâcher immédiatement les oiseaux d'autres espèces qui seraient exceptionnellement capturés ;
Considérant que la désactivation nocturne des pantes diminue le risque de prises accidentelles ;
Considérant que les pratiquants doivent avoir suivi une formation spécifique délivrée par les fédérations départementales de chasseurs concernées ;
Concernant les stricts contrôles :
Considérant que l'installation de dispositifs de captures est subordonnée à la délivrance d'une autorisation individuelle annuelle pouvant être retirée et/ou non réattribuée en cas d'infraction au présent arrêté ;
Considérant que la capture d'alouettes des champs à l'aide de pantes est soumise à la détention d'un permis de chasser validé, ainsi qu'au suivi d'une formation spécifique ;
Considérant que les infractions au présent arrêtés sont pénalement sanctionnées ;
Considérant que la capture d'alouettes des champs à l'aide de pantes est strictement réglementée ;
Considérant que le non-dépassement du nombre maximum d'alouettes des champs pouvant être capturées est garanti par un système de contrôle en temps réel, sous les réserves énoncées à l'article 6 ;
Considérant que les dispositions du présent arrêté sont contrôlées par les agents habilités mentionnés à l'article L. 428-20 du code de l'environnement, ainsi que par les agents de développement des fédérations départementales ou interdépartementales des chasseurs concernées ;
Considérant qu'un plan de contrôles des dispositions du présent est annuellement défini par le préfet de département en partenariat avec les fédérations départementales ou interdépartementales des chasseurs concernées ;
Considérant que ces contrôles font l'objet de rapports obligatoirement communiqués au préfet de département, au ministre de la chasse, ainsi qu'aux présidents des fédérations départementales ou interdépartementales des chasseurs concernés ;
Considérant, ainsi, que les conditions fixées par l'article 9 de la directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 susvisée sont remplies en l'espèce,
Arrête :
Fait le 4 octobre 2022.
Pour le ministre et par délégation :
Le directeur de l'eau et de la biodiversité,
O. Thibault